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L’histoire du maronage, dans la nuit de l’esclavage, la lumière forte du maronage.

L’histoire du maronage, dans la nuit de l’esclavage, la lumière forte du maronage. (1)

Dès les premières installations définitives des hommes à la Réunion, c’est-à-dire pendant la deuxième moitié du XVIIe siècle, l’esclavage est pratiqué sur l’île, et nourrit une économie essentiellement basée sur la production de café. Durant cette période, près de 200 000 personnes sont contraints à quitter leurs terres natales pour venir renforcer les exploitations coloniales. Ces hommes et femmes viennent de Madagascar, de l’Est de l’Afrique, de l’Inde, et d’autres pays de l’océan Indien pour un travail sans relâche et sans reconnaissance aucune (2).

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Le maronage est un phénomène de fuite des esclaves dans l’intérieur de l’île ou à proximité des habitations mais également par la tentative de retour au pays d’origine. Le maronage est donc une des formes du refus de la condition servile la plus opposée aux propriétaires.

Quelle est l’origine du mot «maron» ?

Le mot « maron » trouve sa source dans le mot « cimarron » qui provient d’un vieux parlé espagnol américain et qui désigne un animal domestique échappé qui se réfugie dans un fourré, un bosquet, ou un buisson. Le terme est rapidement appliqué aux esclaves amérindiens ou noirs de la Caraïbes qui fuyaient leur condition servile et partaient vivre dans les montagnes et les forêts tropicales.

Le maronage, un acte de résistance mais pas seulement.

La grand maronage ne fût pas qu’une forme de résistance mais bien un projet de création de société autonome et indépendante.

C’est dans ce contexte que certains marons multiplient de violentes razzias, lesquelles sont destinées en partie à terroriser les colons et leurs familles, ils pillent les denrées, ils s’emparent des objets et outils dont ils ont besoin. Ils incendient les habitations et les plantations.

En représailles, le gouverneur en poste décida sous la pression des colons, inquiets pour leur sécurité, de créer des détachements d’hommes armés et entrainés, sous la houlette de chefs aguerris, dont le tristement célèbre chasseur de marons : François Mussard.

Le conseil supérieur de Bourbon ordonne en 1725 de tuer les Noirs qui refuseraient de se livrer aux autorités, et la chasse aux marons est alors initiée. L’année suivante, le même conseil promet trente livres pour tout esclave mort ou vif. En 1729, un règlement est élaboré pour les détachements luttant contre les marrons, et ceci devient alors une activité organisée et rémunérée par l’état colonial et la Compagnie des Indes.

Les ravines sont les portes d’entrée vers le Royaume de l’intérieur, accessibles aux seuls initiés qui se transmettent la carte mentale des Hauts. Les marons s’établirent même sur les plus hauts sommets, comme Fétic, le chef du Piton des Neiges, celui que ses frères appelaient le roi des Nuages, ou encore Sankouto, le chef du Piton de la Fournaise, celui qui avait une taille de géant et un bras d’athlète, redouté et respecté par les autres chefs marons.

Les villages marons sont particulièrement bien organisés. Ils abritent une population d’adultes et d’enfants nés libres en maronage, certains camps de marons sont importants par le nombre d’individus qui y vivent ; les cases de bois ronds, les champs plantés en maïs, en patates du perroux et autres légumineuses, attestent de la pérennité dans le temps de ces villages.

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Les détachements de chasseurs de marons avaient pour mission de traquer et ramener, plutôt vifs que morts afin d’obtenir leur récompense, les esclaves en fuite.

Le célèbre ouvrage « Bourbon Pittoresque » d’Eugène Dayot retrace d’ailleurs fidèlement les traques de ces fugitifs par les chasseurs de marons : « Les trois traces différentes que Mussard avait observées le matin en quittant l’habitation de Touchard avaient, après avoir serpenté à travers les mille plis et replis du terrain, fini par se confondre et aboutir toutes les trois à cette clairière où s’était opérée la halte des détachements, ce qui indiquait suffisamment que ce lieu avait dû servir de point de ralliement aux nègres de la troupe de Diampare (roi maron) qui, de là, avaient dû suivre une route dont la petite escouade de Jean-Baptiste (chasseur de maron), s’évertuait pour le moment à reconnaître la trace. (3) »

Le grand maron repris pour la première fois a les oreilles coupées et reçoit la fleur de lys sur une épaule. Pour la deuxième fois, il a le jarret coupé et la fleur de lys sur l’autre épaule. Pour la troisième et ultime fois, il est puni de la peine de mort.

Les passeurs de mémoires.

L’histoire des marons est d’abord orale ; après une dure journée de labeur, et se retrouvant le soir autour du feu sur les plantations du maître, les grands marons repris et mutilés par la justice coloniale content leurs péripéties, sagement écoutés par les esclaves et les fils des maîtres, comme Evariste de Parny, Auguste Lacaussade, ou encore l’écrivain célèbre Eugène Dayot. Parmi eux, certains se feront un devoir de mettre par écrit ces récits. « Ce passage de l’oral à l’écrit est imprimé par les marons dans la pierre, c’est le sens profond de « Roche Ecrite » (4).

Le marronnage

Jusqu’à aujourd’hui, l’existence d’un royaume de l’intérieur maron relevait de la mythologie locale, désormais c’est un fait historique, illustré également par les rapports de détachements et les cartes de voyages de certains chasseurs de marons. L’histoire du maronage est aujourd’hui largement documenté par de nombreux chercheurs notamment Sudel Fuma, historien et Charlotte Rabesahala-Randriamananoro, anthropologue.

Ces pratiquent perdureront jusqu’à l’abolition de l’esclavage en 1848. « Le fait historique dominant n’est pas l’esclavage mais le maronage qui est sa négation » (5).

Il est encore possible aujourd’hui de visiter le royaume de l’intérieur, en particulier le cirque de Mafate encore préservé car accessible qu’à pied, rencontrez la tradition orale et la mémoire de ces combattants de la liberté, à travers notre randonnée MAHAFATY, tous les lundis.

Notes et références :

(1)     Dans la nuit de l’esclavage, la lumière forte du maronage | Société de plantation, histoire et mémoires de l’esclavage à La Réunion (portail-esclavage-reunion.fr)

(2)     https://maronages.re/

(3)     Jules Bernard – Bourbon Pittoresque, le roman mythique d’Eugène Dayot enfin achevé 2012 –, page 119.

(4)     Sous la direction de Gilles Pignon, J.-F. Rebeyrotte – Esclavage et marronnages, refuser la condition servile à Bourbon (île de La Réunion) au XVIIIe siècle, page 4.

(5)     Id. page XII.

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